La Société Civile Immobilière (SCI) est devenue, au fil des années, l’un des outils privilégiés des familles et des chefs d’entreprise pour organiser la détention et la transmission d’un patrimoine immobilier. Sa flexibilité juridique, la simplicité de sa gouvernance et les larges possibilités d’aménagement statutaire en font un dispositif incontournable en matière de gestion patrimoniale.
Mais transmettre son patrimoine ne signifie pas forcément renoncer à sa maîtrise. Nombreux sont les parents qui souhaitent commencer à préparer leur succession — que ce soit pour alléger les droits futurs ou pour anticiper d’éventuels conflits — tout en continuant à percevoir des revenus et à décider de la gestion des biens. Comment concilier ces deux objectifs ?

La réponse se trouve souvent dans une stratégie simple et puissante : le démembrement de propriété, et plus particulièrement le démembrement des parts sociales d’une SCI, permettant de transmettre la nue-propriété tout en conservant l’usufruit… et le contrôle.
Cet article vous explique, de manière claire et approfondie, comment la combinaison SCI + usufruit permet de transmettre efficacement un patrimoine immobilier, tout en maintenant la maîtrise des décisions stratégiques.
1. Comprendre les bases : SCI, usufruit et nue-propriété
1.1. Qu’est-ce qu’une SCI ?
La SCI est une société civile permettant à plusieurs personnes de détenir et gérer ensemble un patrimoine immobilier.
Les finalités d’une SCI
La SCI poursuit trois objectifs majeurs :
1. Gestion du patrimoine
Elle facilite l’administration d’un ou plusieurs biens immobiliers. La désignation d’un gérant permet une gestion centralisée et simplifiée, évitant la règle de l’unanimité applicable en indivision.
2. Transmission du patrimoine
C’est l’un de ses usages les plus courants. La SCI permet de transmettre progressivement des parts sociales, en bénéficiant d’abattements fiscaux réguliers, tout en définissant contractuellement les pouvoirs et droits de chacun.
3. Protection du patrimoine
La SCI évite l’indivision, source de conflits. Grâce aux statuts et aux pouvoirs du gérant, il est possible d’anticiper les blocages et de sécuriser la gestion du patrimoine.
Fonctionnement simplifié
Une SCI repose sur :
- Des statuts définissant les règles du jeu ;
- Un ou plusieurs associés ;
- Un gérant chargé de la gestion quotidienne ;
- Des assemblées pour les décisions importantes ;
- Des parts sociales, qui représentent la propriété.
Tout l’intérêt réside dans la possibilité d’aménager les statuts pour organiser l’exercice du pouvoir… y compris lorsque les parts sont démembrées.
1.2. Usufruit et nue-propriété : définitions essentielles
La pleine propriété d’un bien se compose de deux éléments :
L’usufruit
C’est le droit :
- d’utiliser le bien (droit d’usage),
- d’en percevoir les revenus (loyers).
L’usufruitier peut donc habiter le logement ou le mettre en location, selon son choix.
La nue-propriété
Le nu-propriétaire est le propriétaire « sur le long terme ».
Il détient le bien mais sans pouvoir l’utiliser ou en percevoir les revenus pendant l’usufruit.
À l’extinction de l’usufruit (souvent au décès de l’usufruitier), il récupère automatiquement la pleine propriété du bien, sans impôt supplémentaire.
L’intérêt du démembrement en matière successorale
Le démembrement est l’une des stratégies les plus efficaces pour anticiper la transmission :
- La nue-propriété est moins valorisée que la pleine propriété → les droits de donation sont réduits.
- Le donateur peut conserver l’usufruit, et donc les revenus et l’usage.
- Les héritiers récupèrent la pleine propriété sans droits supplémentaires au décès.
Dans une SCI, ce n’est pas le bien immobilier qui est démembré, mais les parts sociales, ce qui offre une flexibilité encore plus grande.
2. Pourquoi combiner SCI et usufruit pour transmettre ?
La combinaison SCI + démembrement des parts sociales offre des avantages fiscaux, patrimoniaux et juridiques particulièrement intéressants.

2.1. Un outil fiscal avantageux
Transmission de la nue-propriété à moindre coût
Lors d’une donation en nue-propriété :
- Les droits de donation sont calculés sur la valeur de la nue-propriété,
- Selon un barème fiscal tenant compte de l’âge de l’usufruitier.
Plus l’usufruitier est jeune, plus la valeur de la nue-propriété est faible… et plus la donation est fiscalement avantageuse.
Valorisation réduite de la nue-propriété
Ce mécanisme permet :
- de transmettre davantage pour un coût fiscal moindre,
- de profiter des abattements renouvelables tous les 15 ans (100 000 € par parent et par enfant).
Ainsi, en transmettant uniquement la nue-propriété des parts de SCI, les parents organisent leur succession tout en conservant la maîtrise des revenus.
2.2. Une organisation souple permettant de conserver la main
L’objectif principal d’une transmission anticipée est souvent de réduire les droits de succession, mais sans perdre les revenus ni la maîtrise de la gestion.
La SCI répond parfaitement à cette problématique.
Maintien de l’usufruit : continuer à percevoir les loyers
En conservant l’usufruit des parts :
- Les parents continuent de percevoir l’intégralité des loyers,
- Ils restent libres d’utiliser les biens selon leurs besoins.
Ce mécanisme garantit une sécurité financière tout en préparant la succession.
Conservation des pouvoirs dans la gérance
Le gérant de la SCI détient un pouvoir considérable :
- Il engage la société dans les actes de gestion courante,
- Il exécute les décisions importantes décidées par les associés.
Il est parfaitement possible — et fréquent — que le parent donateur conserve la gérance, même après la donation de la nue-propriété.
Les statuts peuvent même prévoir une gérance viagère, assurant un contrôle durable.
2.3. Une protection contre les conflits familiaux
La SCI permet de prévenir la plupart des situations conflictuelles fréquentes en indivision.
Encadrement des droits des héritiers via les statuts
Les statuts peuvent définir :
- qui vote pour quelles décisions,
- les majorités nécessaires,
- la répartition des pouvoirs entre usufruitier et nu-propriétaire.
Prévention des blocages en assemblée
Grâce à des clauses précises, on peut éviter :
- le refus de signature d’un héritier,
- le blocage de la vente d’un bien,
- des décisions imposées par un nu-propriétaire.
En SCI, tout est prévu par écrit, ce qui limite fortement les risques de tensions.
3. Comment transmettre sans perdre le contrôle : les leviers juridiques
3.1. Le démembrement des parts sociales
Le mécanisme est simple :
- Le parent donne la nue-propriété des parts à ses enfants,
- Mais conserve l’usufruit, et donc les revenus et le pouvoir de décision (selon statuts).
Conséquence : maintien du pouvoir de vote
Selon la jurisprudence et les statuts de la SCI :
- Le droit de vote appartient, sauf stipulation contraire, à l’usufruitier pour les décisions de gestion courante.
- Le nu-propriétaire vote pour les actes affectant la substance du bien (vente, modification statutaire).
Les statuts permettent d’ajuster précisément cette répartition.
3.2. Rédiger des statuts protecteurs
Les statuts sont l’outil central de la protection des pouvoirs du donateur.
Répartition du droit de vote
Les statuts peuvent prévoir :
- que l’usufruitier vote pour toutes les décisions,
- que le nu-propriétaire vote seulement pour certaines décisions majeures,
- ou une répartition personnalisée.
Clauses sur les pouvoirs du gérant
On peut renforcer les pouvoirs du gérant en lui permettant, par exemple :
- de signer seul certains contrats,
- de réaliser des travaux,
- de gérer les biens sans autorisation préalable.
Modalités de cession des parts démembrées
La cession de parts démembrées doit être strictement encadrée pour éviter qu’un tiers n’entre dans la société sans accord.
3.3. La clause d’agrément spécifique
La clause d’agrément permet aux associés de s’opposer à l’entrée d’un nouvel associé.
Elle est essentielle pour :
- empêcher l’entrée d’un gendre ou d’une belle-fille dans la SCI,
- éviter qu’un héritier non désirable devienne associé lors d’une succession,
- garder un contrôle total sur les transmissions futures.
Une rédaction soignée de cette clause est indispensable.
3.4. Le choix stratégique du gérant
Le gérant fait la pluie et le beau temps dans une SCI.
Gérance viagère du parent donateur
Il est possible de prévoir que :
- le parent donateur soit gérant à vie,
- qu’un remplaçant soit désigné pour garantir la continuité.
Renforcement des pouvoirs du gérant
Les statuts peuvent accorder :
- un large pouvoir de décision,
- des pouvoirs exclusifs en matière de gestion locative,
- une autonomie accrue pour la gestion bancaire.
Cela permet au parent de garder la main même après avoir transmis la nue-propriété.
4. Étapes pratiques pour mettre en place la stratégie
4.1. Constitution ou mise à jour de la SCI
Si une SCI existe déjà :
- Un audit des statuts est indispensable pour identifier les clauses à renforcer.
- Des modifications statutaires peuvent être votées en assemblée.
Si la SCI n’existe pas :
- Sa constitution doit être pensée dès le départ en intégrant les objectifs patrimoniaux.
Les clauses essentielles à examiner sont :
- droit de vote,
- pouvoirs du gérant,
- clauses d’agrément,
- cession des parts démembrées,
- majorités requises pour les décisions importantes.
4.2. Donation de la nue-propriété des parts
La donation des parts démembrées doit être faite par acte notarié.
Les avantages fiscaux
- Les abattements de 100 000 € par parent et par enfant se renouvellent tous les 15 ans.
- La valeur de la nue-propriété est réduite selon le barème fiscal.
- Les parents peuvent transmettre progressivement en fonction des besoins.
Les précautions
- Déterminer la valeur réelle des parts,
- Prévoir les modalités de répartition entre enfants,
- Vérifier les éventuels apports en compte courant.
4.3. Organisation de la gouvernance
Une bonne gouvernance est essentielle pour éviter les conflits.
Pacte familial interne
Il peut préciser :
- la gestion des revenus,
- les règles de transparence,
- les modalités de prise de décision.
Règles de gestion quotidienne
La gestion locative, la réalisation de travaux, la signature des baux peuvent être attribuées exclusivement au gérant.
5. Points d’attention et pièges à éviter
5.1. Ne pas négliger la rédaction des statuts
Des statuts imprécis ou incomplets peuvent :
- donner trop de pouvoir au nu-propriétaire,
- limiter les pouvoirs du gérant,
- créer des blocages futurs.
La rédaction doit être faite sur mesure.
5.2. Anticiper les besoins de liquidités
La donation en nue-propriété doit tenir compte :
- des besoins financiers futurs du parent,
- des revenus nécessaires à son confort,
- de la possibilité de conserver un usufruit « aménagé » (par exemple, un usufruit temporaire).
5.3. Bien évaluer la fiscalité (IR, IFI, droits de donation)

Revenus imposables
L’usufruitier reste imposé sur les loyers, puisque c’est lui qui les perçoit.
IFI
En principe, l’usufruitier déclare la pleine propriété du bien pour l’IFI.
Des exceptions existent mais doivent être analysées au cas par cas.
Droits de donation
Une bonne stratégie permet de réduire significativement la future imposition successorale.
Conclusion
La combinaison SCI + usufruit est l’une des stratégies les plus efficaces pour transmettre un patrimoine immobilier sans perdre le contrôle.
Elle permet à la fois :
- d’optimiser la fiscalité,
- de maintenir les revenus pour le parent donateur,
- de conserver la maîtrise des décisions grâce à une gouvernance adaptée,
- de prévenir les conflits grâce à des statuts soigneusement rédigés.
Cependant, chaque situation familiale et patrimoniale est unique.
La rédaction des statuts, l’organisation de la gérance, la clause d’agrément ou encore l’évaluation fiscale nécessitent l’intervention d’un professionnel.
Le cabinet Sanajuris vous accompagne dans :
- l’audit de votre SCI,
- la création sur mesure de statuts protecteurs,
- l’organisation de la transmission,
- la mise en place d’une stratégie patrimoniale optimisée.
Pour sécuriser votre projet et transmettre efficacement votre patrimoine sans en perdre la maîtrise, n’hésitez pas à contacter notre équipe.


