Agression sur le lieu de travail : que faire face à un collègue ou un supérieur violent ?

Les violences en milieu professionnel ne se limitent pas au harcèlement moral ou aux tensions quotidiennes. Elles peuvent prendre des formes particulièrement graves : insultes, menaces, coups, violences physiques ou psychologiques répétées. Selon les études sur la santé au travail, plusieurs milliers de salariés subissent chaque année une agression physique ou verbale sur leur lieu de travail, parfois de la part d’un usager, mais aussi – plus rarement évoqué – d’un collègue ou même d’un supérieur hiérarchique.

Face à une telle situation, de nombreuses victimes demeurent démunies. La peur de perdre son emploi, la crainte de représailles, ou encore l’idée que « cela ne servira à rien » conduisent beaucoup de salariés à ne pas signaler les faits. Pourtant, la loi protège fermement les travailleurs, et plusieurs mécanismes – internes, administratifs, civils et pénaux – permettent de réagir efficacement.

Cet article a pour objectif d’expliquer, de manière claire et complète, les droits des victimes, les démarches à entreprendre, et les moyens d’obtenir une protection et une réparation, que l’agresseur soit un collègue, un manager ou un employeur.

1. Qu’est-ce qu’une agression sur le lieu de travail ?

Une agression au travail peut prendre de nombreuses formes et ne se limite pas à la violence physique. Le Code du travail et le Code pénal reconnaissent une large variété de comportements sanctionnables.

1.1. La violence physique

Il peut s’agir de :

  • coups et blessures ;
  • bousculades ;
  • tentatives d’agression ;
  • jets d’objets ;
  • violences volontaires ayant entraîné une ITT.

Même une simple gifle ou une bousculade peut être qualifiée d’agression au sens pénal.

1.2. La violence verbale

Les agressions verbales peuvent être :

  • insultes,
  • injures,
  • propos humiliants,
  • menaces,
  • propos discriminatoires.

Une menace de mort ou une injure discriminatoire constitue un délit pénal.

1.3. La violence psychologique

Il s’agit de comportements répétés destinés à porter atteinte à la dignité du salarié :

  • humiliations répétées,
  • pressions,
  • isolement organisé,
  • harcèlement moral.

Dans certains cas, le harcèlement moral peut être combiné à une agression physique ou verbale.

1.4. Agression par un collègue vs. agression par un supérieur

La gravité juridique est renforcée lorsque l’agresseur est :

  • un supérieur hiérarchique (abus d’autorité),
  • l’employeur (faute inexcusable possible),
  • un collègue sous la responsabilité de l’entreprise (obligation de sécurité).

2. L’employeur a une obligation de sécurité renforcée

L’article L.4121-1 du Code du travail impose à l’employeur une obligation de sécurité envers ses salariés. Il doit :

  • protéger leur santé physique ;
  • protéger leur santé mentale ;
  • prévenir toute situation de violence.

Cela signifie qu’en cas d’agression de la part d’un autre salarié, l’employeur peut être tenu entièrement responsable s’il n’a pas mis en place les mesures nécessaires.

2.1. L’employeur doit prévenir les risques

Cela inclut :

  • formation à la gestion des conflits ;
  • politiques internes contre les violences ;
  • organisation adaptée du travail ;
  • procédures de signalement.

2.2. L’employeur doit agir immédiatement

Dès qu’il apprend qu’un salarié a été agressé, il doit :

  • prendre des mesures conservatoires (éloigner l’agresseur, suspendre le salarié fautif, réorganiser les équipes) ;
  • déclencher une enquête interne ;
  • sanctionner l’agresseur en cas de faits avérés ;
  • protéger la victime.

Un manquement à cette obligation peut engager la responsabilité de l’employeur devant le conseil de prud’hommes.

3. Que doit faire la victime immédiatement ?

Lorsqu’on subit une agression sur le lieu de travail, les premières réactions conditionnent souvent la suite. Voici les démarches essentielles.

3.1. Se protéger et s’éloigner

La priorité est la sécurité physique et psychologique. S’il est possible de s’éloigner, mettre fin au contact est essentiel.

3.2. Consulter un médecin

Le médecin pourra :

  • constater les blessures ;
  • délivrer un certificat médical ;
  • éventuellement prescrire un arrêt de travail.

Ce certificat est une preuve essentielle, notamment en cas de plainte pénale ou de demande d’indemnisation.

3.3. Informer l’employeur par écrit

Il est recommandé de signaler les faits :

  • au supérieur hiérarchique (si ce n’est pas l’agresseur) ;
  • au service RH ;
  • au référent harcèlement ;
  • au comité social et économique (CSE) ;
  • au médecin du travail.

Si l’agresseur est un supérieur, il peut être préférable de contacter directement :

  • les RH,
  • le CSE,
  • l’inspection du travail,
  • un avocat.

Un signalement écrit (mail, courrier) est important.

3.4. Rassembler des preuves

Les preuves peuvent être :

  • témoignages de collègues ;
  • messages écrits ;
  • vidéos ;
  • constatation médicale ;
  • photos de blessures.

L’agression doit pouvoir être documentée.

4. Les démarches juridiques possibles

Une victime peut agir sur plusieurs fronts : pénal, prud’homal et indemnitaire. Ces voies ne sont pas exclusives.

4.1. Porter plainte : la voie pénale

L’agression constitue une infraction pénale. La victime peut déposer une plainte :

  • dans un commissariat ;
  • à la gendarmerie ;
  • par courrier au procureur.

4.1.1. Pourquoi porter plainte ?

La plainte permet :

  • d’officialiser les faits ;
  • de faire intervenir la justice pénale ;
  • de sanctionner l’agresseur ;
  • de demander des dommages et intérêts.

4.1.2. Quels délits peuvent être retenus ?

Selon les cas :

  • violences volontaires ;
  • menaces de mort ;
  • harcèlement moral ;
  • violences aggravées si l’auteur est un supérieur hiérarchique ;
  • injures ou propos discriminatoires.

Si les violences entraînent une ITT, cela peut donner lieu à une qualification criminelle dans les cas les plus graves.

4.2. Alerter l’inspection du travail

L’inspection du travail peut intervenir lorsque :

  • un salarié est victime de violences ;
  • l’employeur n’a pas réagi ;
  • la situation constitue un danger grave et imminent.

Elle peut :

  • enquêter dans l’entreprise ;
  • interroger l’employeur ;
  • exiger des mesures ;
  • transmettre les faits au procureur.

4.3. Agir devant le conseil de prud’hommes

Une procédure prud’homale peut être engagée si :

  • l’employeur n’a pas protégé la victime,
  • l’agression a eu des conséquences sur le contrat de travail ;
  • la victime a subi un licenciement abusif après signalement ;
  • la situation a conduit à une rupture du contrat.

4.3.1. Demander une résiliation judiciaire ou une prise d’acte

Si la situation est intenable, la victime peut demander la rupture du contrat aux torts de l’employeur.

4.3.2. Obtenir des dommages et intérêts

La victime peut obtenir réparation pour :

  • préjudice moral ;
  • préjudice professionnel ;
  • perte de revenus.

5. L’agression peut être reconnue comme accident du travail

Si l’agression est survenue sur le lieu du travail ou pendant le temps de travail, elle peut être reconnue comme un accident du travail.

5.1. Pourquoi déclarer un accident du travail ?

Cela permet :

  • une prise en charge à 100 % des frais médicaux ;
  • une indemnisation spécifique en cas d’incapacité ;
  • une protection du salarié (interdiction de licenciement pendant l’arrêt) ;
  • une possibilité de reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur.

5.2. Déclaration par l’employeur

L’employeur doit déclarer l’accident dans les 48 heures.

S’il refuse, la victime peut elle-même déclarer l’accident directement auprès de la CPAM.

6. L’indemnisation de la victime : CIVI, SARVI, responsabilité de l’employeur

Plusieurs voies d’indemnisation peuvent coexister.

6.1. L’indemnisation par l’agresseur

Si l’agresseur est identifié et condamné, le juge pénal peut le condamner à indemniser :

  • le préjudice moral ;
  • les blessures ;
  • les pertes financières.

6.2. L’indemnisation via la CIVI

Si l’agression est grave (ITT, atteinte à la santé physique ou mentale) ou si l’agresseur est insolvable, la CIVI peut indemniser la victime.

6.3. La faute inexcusable de l’employeur

Si l’employeur n’a pas pris de mesures pour prévenir ou arrêter l’agression, il peut être condamné pour faute inexcusable.

Cela ouvre la voie à :

  • une indemnisation majorée ;
  • la prise en charge de tous les préjudices complémentaires ;
  • une sanction contre l’entreprise.

7. L’accompagnement par un avocat : un soutien indispensable

Les procédures qui suivent une agression au travail sont complexes :

  • pénales,
  • prud’homales,
  • assurances,
  • médicales,
  • indemnitaires.

Un avocat peut :

  • vous aider à constituer la preuve,
  • rédiger la plainte,
  • vous représenter devant les juridictions,
  • évaluer précisément vos préjudices,
  • négocier avec l’employeur,
  • sécuriser la déclaration d’accident du travail,
  • saisir la CIVI le cas échéant.

Un accompagnement professionnel permet d’aborder ces démarches avec sérénité et d’obtenir une réparation juste et complète.

Ne jamais rester seul face à une agression au travail

L’agression sur le lieu de travail, qu’elle soit physique, verbale ou psychologique, n’est jamais anodine. Elle constitue une atteinte grave à la dignité et à la santé du salarié. La loi protège fermement les victimes et impose à l’employeur une obligation claire : garantir la sécurité de ses salariés.

En cas d’agression de la part d’un collègue ou d’un supérieur :

  • documentez les faits,
  • contactez un médecin,
  • informez votre employeur ou le CSE,
  • déposez plainte,
  • sollicitez un avocat.

Le Cabinet Sanajuris accompagne régulièrement des salariés victimes de violences au travail, quelles que soient les circonstances. Nous sommes à vos côtés pour défendre vos droits, vous protéger et obtenir la réparation que vous méritez.

N’hésitez pas à nous contacter pour une consultation confidentielle.

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